Le stockage d’hydrogène Delphy de Vallourec a obtenu la qualification technique : Entretien avec Vincent Designolle, Directeur de Delphy
Le système de stockage souterrain d’hydrogène Delphy, conçu par Vallourec, vient d’être qualifié par DNV, une société reconnue en matière de tests et de certification. Cette étape essentielle dans le développement de Delphy ouvre la voie à sa commercialisation, en confirmant que c’est une solution sûre et viable destinée aux industries qui souhaitent intégrer l’énergie issue de l’hydrogène vert dans leurs processus. Avec une capacité de stockage de 1 à 100 tonnes d’hydrogène gazeux comprimé et une faible empreinte au sol, Delphy est aujourd’hui la seule solution de ce type disponible sur le marché. Vincent Designolle, Directeur de Delphy Hydrogen Storage, nous parle du processus de qualification, ainsi que de ses implications pour Vallourec et pour le marché de l’hydrogène.
Quel processus avez-vous suivi pour obtenir la Déclaration de Technologie Qualifiée de DNV, et qu’est-ce que cela signifie pour Delphy ?
Vincent Designolle: Le point de départ est la sécurité, qui est une condition sine qua non chez Vallourec. Ce processus de qualification a principalement consisté à évaluer les risques éventuels liés à l’utilisation de la solution Delphy. C’est la confirmation que nous avons évalué, optimisé et qualifié chaque équipement, chaque processus et chaque risque potentiel lié à la solution Delphy, sous le contrôle des experts DNV.
Ce type de qualification, appelé DNV RP A203, implique un processus rigoureux en trois phases. Il a commencé au début de l’année 2023, lorsque notre équipe de R&D et DNV ont dressé une liste exhaustive de tous les dangers et risques potentiels liés à la technologie. Ensuite, DNV a procédé à une première évaluation, qui a abouti, en mars 2023, à la délivrance d’une déclaration de faisabilité. Cette déclaration signifiait qu’il n’y avait pas d’obstacle à la poursuite du développement de nos concepts innovants. Cette déclaration nous a permis de passer à l’étape suivante : développer la technologie et construire un démonstrateur. Nous l’avons fait dans nos installations d’Aulnoye-Aymeries, dans le nord de la France, où nous avons pu confirmer chaque étape du cycle de vie sur un modèle grandeur nature.

La deuxième phase a consisté à élaborer notre plan de qualification technique, en veillant à ce que nous disposions d’un programme de validation de nos réponses à chaque risque pré-identifié. Nous avons eu plusieurs itérations avec DNV pour nous assurer que ce plan répondait bien à toutes les questions. DNV l’a validé en 2024 en délivrant une déclaration d’approbation, confirmant ainsi que le plan constituait une bonne base de qualification.
Ce plan de qualification comprenait des calculs et des simulations, des tests en laboratoire à petite échelle, ainsi que des essais à grande échelle sur notre démonstrateur, ce qui a fait la différence, car nous avons pu tester le vrai produit. Fin 2023, le démonstrateur était opérationnel et nous avons pu y effectuer des tests de systèmes grandeur nature, sous le contrôle de notre centre R&D. Par exemple, nous avons testé les fonctions de stockage pour répondre aux normes de sécurité et d’étanchéité. Nous avons rempli et vidé la solution à des pressions et débits souhaités. Nous avons également testé nos dispositifs de sécurité, tant passifs qu’actifs. Une fois que nous avons eu tous les résultats de tests, nous avons soumis nos conclusions à DNV pour la vérification finale de l’ensemble des données, ce qui a abouti à leur validation finale dans la déclaration de technologie qualifiée, DNV RP A203.
Globalement, ce processus de deux ans a été un véritable défi, mais il correspondait parfaitement à notre volonté d’adopter une approche très disciplinée et très ciblée tout au long du processus. Au final, c’est la nature inhérente du défi qui lui donne de la valeur. Lorsque vous disposez du regard indépendant et de l’expertise de DNV en matière d’hydrogène, et qu’ils vous délivrent cette déclaration finale de qualification, c’est un moment extrêmement important, en particulier si l’on considère qu’il s’agit aujourd’hui de la seule technologie de ce type sur le marché.
Vous avez souligné l’importance de la sécurité. Pouvez-vous nous présenter les principales caractéristiques de sécurité de Delphy ?

Vincent Designolle:
Au cours de la construction de Delphy, nous nous sommes appuyés sur nos nombreuses années d’expérience dans le domaine de la sécurité en milieux acides, et nous avons utilisé des tubes et des connexions conçus pour être étanches et pour résister à la fragilisation par l’hydrogène et aux hautes pressions. La sécurité est également inhérente à l’architecture verticale et souterraine du système Delphy.
En outre, nous avons intégré des éléments de sécurité passive tels qu’une conception favorisant la circulation de l’air dans la cavité supérieure et l’élimination de l’oxygène autour des réservoirs de stockage. Delphy utilise également des dispositifs de sécurité active sous la forme d’une instrumentation et d’une automatisation de pointe, avec divers capteurs de détection qui réagissent aux potentiels fuites ou événements dangereux.
Nous avons pu confirmer cet avantage en matière de sécurité grâce à des études détaillées. Avec des experts du Bureau Veritas, nous avons réalisé l’année dernière une évaluation quantitative comparative des risques. Celle-ci a conclu que, le système de stockage souterrain vertical de Delphy, réduirait de moitié les périmètres de sécurité comparés à des stockages en surface de capacité similaire.
Quelles sont les prochaines étapes pour Delphy ?
Vincent Designolle:
Delphy est un volet important de l’ambition de Vallourec de fournir des solutions bas carbone à ses clients pour les accompagner dans la transition énergétique. Depuis un an, nous avons reçu de nombreux visiteurs sur notre site d’Aulnoye-Aymeries, où nous avons présenté notre démonstrateur Delphy en action. Nos clients actuels et potentiels ont ainsi eu l’occasion de s’entretenir directement avec les experts qui ont mis au point cette technologie et de voir par eux-mêmes comment ils pourraient bénéficier de son intégration dans leurs propres processus industriels.
Cette qualification intervient dans un contexte où les besoins en infrastructures de stockage sont appelés à croître pour s’adapter à l’intermittence et à la nécessaire flexibilité de la production d’hydrogène vert. Vallourec a déjà signé deux protocoles d’accord pour l’intégration potentielle de Delphy dans des cas d’usage réels. Le premier avec H2V, pour des projets de production et d’utilisation d’hydrogène vert, et l’autre avec NextChem Tech, pour des projets d’hydrogène vert et d’ammoniac vert. Une cinquantaine de projets, en France comme à l’international, sont actuellement en discussion, représentant un chiffre d’affaires potentiel d’environ 2 milliards d’euros.
C’est une période passionnante pour nous et nous sommes impatients de déployer cette solution clé en main partout dans le monde.
